Bastelica
Dans un environnement montagnard dominant la vallée du Prunelli, Bastelica bénéficie d’un environnement exceptionnel. De nombreux sentiers de randonnée permettent de partir à la découverte des lacs, des cascades et des forêts qui se trouvent sur le territoire de la commune. Les forêts de Quarcela et de Pineta appartiennent au Parc Naturel Régional, et regorgent de châtaigniers centenaires. Bastelica possède un important centre de randonnée, qui se préoccupe de faire découvrir la région à pied ou à cheval.
Bastelica a gardé son caractère traditionnel, et quelques maisons possèdent encore des éléments architecturaux médiévaux. On trouve aussi de nombreuses bergeries anciennes dans les environs. On peut encore voir la maison du sorcier Matteo Magnifico, qui vécut au XIXe siècle et réussit à vaincre le Diable. Sa maison est ornée de l’inscription « non val sapere a chi la fortuna ha contro » (le mérite n’est rien si la fortune est contraire). Un autre mage, l’abbé Fattacioli, vécut à la même époque que lui, et aurait prédit la Première Guerre mondiale et la révolution russe, dans un style hermétique qui n’a rien à envier à Nostradamus. On peut trouver ses prophéties dans « Le jour de la colère » ou « la main de Dieu sur un empire », visions prophétiques d’un voyant de Juda, paru en 1856.
Sampiero de Bastelica (Sampieru corsu)
Dans l’église, construite au XIXe siècle, on peut trouver un beau maître-autel en marbre polychrome de style baroque, et le clocher à coupole est très original pour la région. Plus loin, la chapelle Sainte Violette, aujourd’hui en ruines, est un très bel exemple d’art pisan.
Sampiero de Bastelica (Sampieru corsu)
Né à Bastelica dans une famille issue de la petite noblesse de la Cinarca, Sampiero se destine très jeune au métier des armes, puisqu’il rentre au service des Médicis à l’âge de quatorze ans, en 1512. Mercenaire dans l’âme, il se met au service de la couronne de France à partir de 1537, sous le règne de François Ier. On le retrouve sur-le-champ de bataille aux cités de Bayard par exemple. C’est à la même époque qu’il reçoit le titre de colonel, et qu’il prend le surnom de Corso, en souvenir de ses origines. Ses talents militaires commencent à être connus dans toute l’Europe, et c’est là que va se révéler la subtilité du personnage. En effet, Sampiero se révèle être très en avance sur son temps, puisqu’il avait très bien compris les enjeux géopolitiques européens en Méditerranée. Il va donc jouer des influences et des divergences pour servir sa propre cause, à savoir lutter contre les Génois en Corse.
Pour ce faire, il s’allie à la France, qui voit en la Corse un point stratégique en Méditerranée, qui lui permettrait de lutter économiquement contre Gênes, alliée de l’Espagne. Sampiero rend possible une alliance entre les Français et les Turcs, et c’est en 1553 qu’il débarque en Corse avec les deux armées. Il parvient à rallier la confiance du peuple, et le pousse à se révolter. Il est appuyé par sa belle famille, les d’Ornano (il avait épousé la jeune Vanina, âgée de quinze ans, en 1545). Les seigneurs du sud se rallient progressivement à sa cause. Ses troupes parviennent à mettre à mal les garnisons de l’amiral Andrea Doria, mais la victoire est de courte durée, car la France se préoccupe davantage d’autres questions diplomatiques, comme les traités d’entente entre l’Espagne et l’Angleterre, qui mettent à mal sa domination en Méditerranée. Les hostilités se terminent ainsi en 1555. L’armistice de Vaucelles entraîne une paix de cinq ans, au cours de laquelle la France garde la Corse, à l’exception de Bastia et Calvi qui restent génoises. Cependant, les défaites militaires de la France aboutissant au traité de Cateau-Cambrésis en 1559 rendront la Corse à Gênes.
Après ce revirement de situation, Sampiero n’abandonne pas la lutte pour autant. Malheureusement, un autre drame intervient dans sa vie, alors qu’il est gouverneur d’Aix-en-Provence au début des années 1560. Sa femme Vanina est restée seule avec ses enfants, et a accordé toute sa confiance à l’abbé Michelangelo Ombrone, le précepteur. Celui-ci était un espion à la solde de Gênes, et fit tout pour séparer le couple. Il lui raconta ainsi que Sampiero avait trouvé la mort en mer. La jeune femme, peu attachée à son mari qui l’effrayait, en profita pour fuir avec son amant de jeunesse. Mais la nouvelle arriva aux oreilles de Sampiero, qui fit intercepter le bateau qui emmenait le couple à Gênes. Il jugea et condamna à mort sa femme, qui mourut étranglée des mains de son mari.
Suite à cette tragédie, la situation en Corse avait beaucoup changé pour Sampiero. Soutenu par Catherine de Médicis, il entreprend une nouvelle expédition en 1564. Cette fois, il n’a plus le soutien des débuts, les Ornano ayant formé une véritable ligue des grandes familles contre Sampiero, qui préfèrent s’allier à Gênes plutôt qu’au meurtrier de Vannina. Sa tête est mise à prix : les Ornano promettent deux mille ducats d’or à qui tuerait Sampiero, les Génois promettent le double. Des membres de la famille de Vannina lui tendent une embuscade, au cours de laquelle il trouve la mort, le 17 janvier 1567. Son fils Alphonse d’Ornano réussit à s’enfuir, et fera une carrière diplomatique remarquable.
L’histoire a gardé de Sampiero son attachement à la Corse, et la finesse de son analyse politique. Sa manière de jouer des alliances et des tensions entre les différentes puissances européennes en fait un personnage très moderne. Certains prétendent que l’histoire d’amour tragique entre Sampiero et Vannina aurait inspiré William Shakespeare pour Othello, remplaçant les deux protagonistes par des démones et le Maure de Venise. Cette théorie, bien que non officielle, est tout à fait plausible. Sampiero est contemporain du célèbre dramaturge, et était très connu des cours européennes. Il faut de plus avouer que les deux histoires présentent des ressemblances troublantes. La vie de Sampiero a enfin été romancée dans l’opéra éponyme d’Henri Tomasi, joué pour la première fois au Grand Théâtre de Bordeaux en 1956.