THÉODORE SUITE ET FIN
L’AVENTURE THEODORIENNE :
Le 20 mars 1736, débarque d’un bateau anglais à ALERIA un personnage qui semble très important et qui surtout amène des armes (3.000 fusils, des canons) mais aussi de l’argent et des bottes dont les corses ont besoin.
Ce personnage est accueilli par la famille MATRA et le bruit se répand vite à travers les pièves où l’espoir renaît.
Les jours suivants, Théodore est entouré de tellement de postulants au grade de capitaine qu’il est obligé d’augmenter leur nombre.
Il connaît particulièrement bien la situation en CORSE, les raisons qui poussent les corses à se battre et les qualités et défauts des chefs locaux.
Il indique rapidement qu’il est prêt à mobiliser ses parents et ses alliés pour l’indépendance de la CORSE mais que ceux-ci ne se mobiliseront que s’il est sacré roi et que la liberté de conscience est accordée sur le territoire du royaume.
Les corses révoltés n’ont plus rien à perdre et se rendent compte qu’élire un roi est un défit terrible à GÊNES et un coup de tonnerre dans le monde européen.
Depuis six ans, la couronne était offerte au roi d’Espagne sans succès et la révolte était à bout de souffle.
Une consulte est convoquée qui accepte Théodore comme roi mais pose ses conditions.
Il s’agit d’une monarchie constitutionnelle où la Diète à d’importants pouvoirs et où les postes de responsabilités doivent être confiés uniquement à des Corses, le Roi n’ayant droit qu’à une garde étrangère limitée et devant impérativement vivre sur le territoire national.
Cette consulte a un tel retentissement que même les notables du delà des monts qui jusqu’alors étaient des alliés les plus fidèles de GÊNES comme les ORTOLI et leurs parents DURAZZO de la ROCCA, viennent se prosterner devant le Roi.
Le Roi nouvellement sacré au couvent d’Alesani organise militairement et civilement le royaume, ce qui le conduira logiquement à créer des titres de marquis ou de comtes et des décorations comme l’Ordre de la Clef d’Or ou l’Ordre de la Délivrande.
Il organise l’attaque de toutes les places fortes génoises et n’hésite pas à exécuter les notables qui trahissent la cause nationale.
La jalousie entre les chefs corses, l’inconstance de certains, l’interruption des sièges (notamment pour soigner des blessés ou se rendre dans sa famille pour des besoins privés) mais aussi les promesses du Roi insatisfaites, le manque d’argent et le recouvrement difficile des dîmes ; auxquels s’ajoute l’action de GENES par la corruption et aussi l’assassinat (FABIANI gouverneur de la BALAGNE assassiné à STAZZONA en 1735), l’action des corses enrôlés par GENES comme militaires ; et surtout l’action diplomatique d’isolement entreprise par la République Génoise qui insiste auprès de toutes les capitales sur l’exemple dangereux que pourrait représenter une CORSE indépendante pour tous les états qui dominent d’autres peuples minoritaires, entravent grandement l’action du Roi.
Le 10 novembre 1736, Théodore est contraint d’aller chercher personnellement des secours et s’embarque pour LIVOURNE. Après avoir fait le tour des capitales européennes et avoir reçu le soutien de banquiers hollandais, il revient en CORSE le 15 septembre 1738 avec trois vaisseaux contenant notamment174 canons, 3.000 fusils, 50.000 kilos de poudre, 100.000 kilos de plomb.
Il a le soutien de membres de sa famille comme le Général Mathieu de DOST qui devient son responsable militaire.
Il est reçu triomphalement à l’Île Rousse mais plusieurs personnages très importants ne croient plus en lui comme le chanoine ORTICONI et Giacintu PAOLI qui considèrent avoir été trompés par ses promesses non tenues et pensent que rien n’est possible contre Gênes sans l’appui d’une puissance étrangère et principalement l’Espagne et Naples.
Cependant, en face du Roi, les choses ont évolué et notamment les génois ont conclu un traité avec la France le 12 juillet 1737 pour aider la République à soumettre les rebelles.
Les français attendent depuis longtemps de pouvoir intervenir en CORSE avec une arrière-pensée très établie d’évincer un jour les génois pour leur propre compte.
Le Général de BOISSIEU débarque en CORSE en février 1738 avec un important corps expéditionnaire.
Il conduira une action militaire mais aussi une action politique efficace auprès de certains notables pour constituer un parti français même si les principaux chefs maintiennent leur fidélité au Roi en son absence par de nombreuses proclamations.
A partir de 1739, c’est MAILLEBOIS qui dirige l’expédition française et répand la terreur et la désolation allant même jusqu’à pendre des moines.
Les troupes françaises comportent des béarnais ainsi que des grisons habiles dans les montagnes mais aussi douze compagnies de hors la loi amnistiées par GENES en contrepartie d’un enrôlement pour la CORSE.
Giacintu PAOLI et GIAFFERI quittent la CORSE définitivement pour Naples.
Théodore, qui n’avait pu rester en CORSE que quelques semaines, repart sur le continent toujours à la recherche de soutien politique et financier.
Son neveu, Frédéric VON NEUHOFF, présent depuis 1736 à ses côtés, luttera jusqu’au 3 octobre 1740 avec quelques corses fidèles mais devra s’embarquer pour Livourne lui aussi.
Le 7 janvier 1743, venant de Londres, Théodore passe par Lisbonne, Villefranche et Livourne sur un bateau (escorté par dix bâtiments anglais) avec des secours importants en armes mais il ne put jamais débarquer, faute de pouvoir payer les commanditaires de l’expédition à qui il avait promis le règlement par les corses.
UNE TRISTE FIN
En avril 1744, Théodore est réfugié à SIENNE, en 1746 à TURIN, en 1747 à VIENNE, en 1748 à AMSTERDAM, puis à LONDRES en 1749 où il est mis en prison pour dettes jusqu’au 6 décembre 1756 et devient une curiosité pour les londoniens mondains.
Il meurt le 11 décembre 1756 dans le quartier de Soho chez un artisan juif et un lord anglais fera graver au cimetière de l’Eglise Sainte Anne à Westmister cet épitaphe: “ Près d’ici est enterré Théodore, Roi de Corse, qui mourut dans cette paroisse le 11 décembre 1756 immédiatement après avoir quitté la prison du ban du Roi par le bénéfice du fait d’insolvabilité, en conséquence de quoi il enregistra son royaume de Corse pour l’usage de ses créanciers. Le tombeau, ce grand maître, met au même niveau héros et mendiants, galériens et rois, mais Théodore fut instruit de cette morale avant que d’être mort. Le destin prodigua ses leçons sur sa tête vivante. Il lui accorda un royaume et lui refusa du pain ”.