L’OCHJU, «LE MAUVAIS ŒIL » 2
Corse magique Chapitre 2
Elle commence l’exorcisme en faisant trois signes de croix et en mettant en contact « a lumerella a oliu » avec quatre points de l’assiette, Nord-Sud, Ouest-Est de façon à, former une croix. L’assiette doit être une assiette blanche, creuse. Elle récite « e prigantule » et recommence le signe de croix avant de plonger dans l’huile l’auriculaire de la main gauche ou droite (les avis sont partagés) et laisse tomber trois gouttes dans l’assiette, elle recommence la même démarche trois fois : «sta preghera fu detta très volte. Ogni volta à mammone face très segni di croce cù a lumerella à oliu » Bartolomeu Dolovici –Veghia cu i morti – Bastia 1973.
Jean-Claude Rogliano dans « Mal cuncilio » décrit la même scène « Quand l’huile fut chaude, la signatora en fit tomber quelques gouttes dans l’eau de l’écuelle. Avec la même main, elle ne cessait de faire des signes de croix au dessus du récipient, tandis que Rosana répétait après elle les prières de l’incantesimu. Enfin elle lui apprit à découvrit dans la forme des tâches d’huile surnageant dans l’eau, les causes du mal et les moyens de les faire disparaître. »
Trois gouttes, cinq gouttes, là aussi les avis sont partagés, mais la plupart des cas étudiés parlent de trois gouttes et toujours d’un nombre impaire, essentiellement magique. Le chiffre TROIS est sacré dans toutes les civilisations. Il représente l’enfant issu du couple, la trinité divine, les trois niveaux de l’univers : l’en haut, le milieu (la terre) l’en bas, c’est-à-dire : l’avenir, le présent et le passé. C’est aussi le chiffre de la renaissance : le Christ a ressuscité le troisième jour.
A Linguizzetta à Venaco ou dans le Rustinu l’assiette creuse est posée sur la table, et dans le Rustinu chose qu’aucun auteur ne précise, le malade pose ses doigts de la main droite sur le rebord de l’assiette.
Si les gouttes se diluent, le malade « hè innuchjiatu » si les gouttes restent entières, il ne s’agit pas d’un sortilège.
L’opération se déroule en trois temps :
-dans un premier temps, « la signatora » vérifie qu’il s’agit bien du mauvais œil. Si elle constate que « ghié l’ochju » elle recommence l’opération pour le vérifier. Ce n’est qu’à la troisième fois qu’on saura si le malade est guéri : on dit que « l’ochju spezza ». La « spezzata » est un changement radical. Alors que les gouttes se diluaient, elles s’agglutinent, se stabilisent et restent figées. Dans la goutte apparaît l’ombre d’une pupille pareille à celle d’un chat.
Dans le sud, même si le malade est présent on place sous l’assiette un objet lui appartenant, on procède de même dans le Rustinu où le malade portera l’objet sur lui pour se protéger.
-Si à la troisième opération triple, aucune des gouttes ne s’est figée, le mauvais œil n’est pas parti. Il faut le faire dire par une autre personne et jusqu’à trois personnes différentes.
-Lorsque l’exorcisme est terminé, on jette l’eau dans le feu ou dehors dans un lieu de passage. On y rince auparavant l’auriculaire qui a gardé la trace de l’huile et on l’essuie sur ses cheveux. Dans le Rustinu, on brouille l’eau avec ses doigts et on trace un dernier signe de croix sur la tête du patient en prononçant la formule suivante : « que le maléfice soit conjuré. »
La « signatora » peut également opérer à « sec » sans eau, sans huile, en faisant des signes de croix sur la tête du patient. Lorsque le mal s’en va, elle baille ou elle a le hoquet.
A la fin de l’opération elle peut faire part, si le patient est d’accord, de ses commentaires :
– lorsque les gouttes sont bien réparties dans toute l’assiette, le mauvais œil provient d’une assemblée de personnes.
– lorsqu’elles sont disposées sur une seule ligne « e trecce » il a été causé par une femme.
Ces correspondances obéissent à la grande loi dite « des signatures » une phrase citée par Roccu Multedo de Jean Marquès-Rivière résume cette loi « ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme de ce qui est en bas, pour faire des miracles d’une même chose. »
La prière magique doit être bien dite car « benedire » veut dire « bien dire ». Dans les prières magiques corses, il faut prononcer le prénom. Le prénom est par excellence le nom secret, c’est l’être intime. Nommer c’est faire venir, faire venir c’est faire obéir. En magie, « l’énoncé d’un nom suffit pour asservir » a dit Pline – Auteur romain de l’encyclopédie naturelle.
Pour devenir « signatora » il faut être catholique pratiquante. Elle est la continuatrice de la « bonna donna », des fées, elle protège des mauvais esprits.
A travers les « prigantule » les fées ont été remplacées par la vierge ou les saintes et les personnages mystérieux, quelquefois mythologiques, par des saints, dont certains sont inconnus dans la religion chrétienne. Par exemple, dans une très ancienne prière destinée à soigner les bêtes, il est question de saint Talbu, saint Erbu, saint Maclu. Qui sont-ils ? Nous avons là un exemple de prière modifiée par l’influence de la religion. L’ancienne croyance persiste et s’intègre à la religion chrétienne.
Autrefois la transmission se faisait en famille et en génération alternée : grands-parents – petits enfants. Aujourd’hui, « la signatora » dévoile ses secrets la nuit de Noël aux personnes qui le lui demande si elle les trouve dignes de les posséder.
Si on dévoile « les prigantule » ou si on les transmet hors de la date voulue, le pouvoir est perdu.
La « signatora » ne se limite pas à conjurer le mauvais œil, elle soigne certaines maladies auxquelles on n’attribue pas de causes magiques : piqûre d’insecte, vers, coup de soleil. Chaque maladie appelle une prière différente et un matériel approprié. On rejoint là la médecine empirique.
Il existe également des prières que l’on peut apprendre « i ogni tempi » de tous temps.
Ce sont des prières que l’on récite avant d’aller se coucher, à l’église, en passant devant une croix, pour éloigner l’orage en posant sur la fenêtre l’œuf de l’ascension « l’ovu cruciatu di l’ascensione » ou en allant à l’aube, le jour de l’ascension cueillir « u risu » ou « broccula » une plante qui a la particularité de pousser à l’envers et qui fleurit à la saint Jean ou à la Trinité. Si elle ne fleurit pas, cela est signe de grand malheur. On conserve également les petits pains de saint Antoine et de saint Roch qui une fois bénits assurent la protection du foyer et ne moisissent jamais.
On peut constater que les pratiques magiques ne se limitent pas aux maladies des hommes et des animaux, elles sont nombreuses toute l’année aux dates rituelles importantes du calendrier. Elles renforcent la lutte des hommes contre la mort et la maladie, elles combattent la misère et le malheur, elles garantissent la survie et attirent les forces positives en éloignant les démons.
Nous vivons toujours aujourd’hui, et c’est heureux, à la frontière du surnaturel.
Bonjour,
J’ai Reçu la Prière à l’âge de 26 ans par une « signatora » qui m’avait choisi, alors qu’elle avait un fils très gentil mais à qui elle ne passa pas le secret, un soir de Noël, elle m’appris la Prière et le Rite.
Je ne me souviens plus de la Prière (il s’agissait d’un saint et d’un bateau pour ce qui m’en souvient).
Je ne sais pas comment faire pour retrouver ma Prière ?
Olivier
Bonjour,
Surtout, ne donnez jamais par écrit ou de vive voix ce que vous avez retenu de la prière. Pour la retrouver, il faut que la nuit de Noël, à minuit, elle vous soit apprise par un ou une signatore (a)
Je suis très spirituel j aimerai apprendre à faire la signadora l’ochyu où peut on ce renseigner en Corse et à quelle personne peut on s’adresser