L’OCHJU, «LE MAUVAIS ŒIL » 3
Précautions et remèdes
Quels sont les moyens pour se protéger des démons de l’ochju ?
Nous savons que les personnes les plus réceptives à « l’ochju » sont d’abord les enfants, les personnes heureuses, chanceuses, comblées qui dégagent une énergie positive convoitée par l’œil. Elles sont plus que les autres soumises au regard, d’où la nécessité de se protéger.
Le vertical contre le mal
Les corses ont gardé ce recours à la verticale face au danger du mauvais œil. « L’ochju » provoque un déséquilibre, le vertical en créant un lien avec les forces célestes est bénéfique (stantari, pierres verticales). La fameuse main de corail que portent les nouveaux nés est fermée, le pouce passé entre l’index et le majeur. On fait les cornes lorsqu’on a le sentiment d’être en présence de l’œil. Cette croyance dans le pouvoir des cornes est très ancienne. Carine Adolfini Bianconi, nous démontre que les sumériens avaient le même symbolisme de verticalité : « la main phallique, la ziggourat (tour), la flèche, les cornes ou les stantari… rendent hommage au pouvoir créateur de la divinité. »
L’Asphodèle
Pour les corses c’est une plante de vie alors que pour les grecs et les romains, c’est le symbole de la mort.
Elle est utilisée pour l’œil par la « sfumatora » : « je t’enfume et que Dieu te guérisse de tout mal. » Elle est aussi l’arme puissante des « Mazzeri » dont le nom est lié à la plante : mazza, mazzetta. Mais, mazzetta en corse veut dire aussi bouture, donc partie vivante qui donnera naissance à d’autres plantes. Pendant les batailles mazzériques, les « Mazzeri » sont munis de Tirli ou Zirli (asphodèles). Zirlu veut dire aussi « jaillissement », symbole de fertilité. A ce titre, elle représente la virilité et la puissance. Elle servait à allumer le feu sacré de la saint Jean. Ce jour là, le soleil est au, plus haut de sa course, c’est le solstice d’été. On constitue un bûcher, appelé « castellu »
au sommet duquel on place une couronne végétale tressée, symbole du soleil. A la base, on place les plantes magiques, en particulier l’Asphodèle et la Murza ( l’immortelle) pour l’allumer. Nous avons toujours cette référence au vertical pour s’élever vers le divin.
Le sel
Contre l’envie, la jalousie, pour se protéger du mauvais œil on utilise encore de nos jours le sel, beaucoup en mette dans leurs poches, dans leur voiture ou sous leur lit. Depuis 5000 ans, le sel est considéré comme une énergie capable de réanimer une victime. Il est donc perçu comme une substance vitale unissant l’homme à Dieu.
Il est également connu comme un conservateur, on y voit donc un remède contre la désintégration de la matière vivante. Il désinfecte les plaies, nettoie et cicatrice. Il se dissout dans l’eau et absorbe le maléfice. Il peut aussi se cristalliser et empêcher ainsi le mauvais esprit de s’étendre.
La salive
Tout le monde sait qu’en Corse il est défendu de complimenter un enfant sans dire « que Dieu le bénisse » en crachant par terre ou sur le berceau ou en lui mettant un peu de salive sur la tête. La salive véhicule la vie, mais son effet peut être double. Etant chargée de la puissance interne de la personne, si cette dernière est maléfique ou malade, elle devient négative. Elle peut unir ou dissoudre, guérir ou salir, être associée à l’insulte. Elle a des propriétés communes avec le sel : son pouvoir cicatrisant et désinfectant. On retrouve le mot sel dans le langage : salvare = sauver, salute = santé.
En Corse comme en Mésopotamie, elle agit comme un réceptacle et absorbe soit le bon, soit le mauvais qui se retrouve transféré sur l’enfant qu’on complimente.
Jésus crache sur les yeux de l’aveugle puis y pose ses mains pour lui redonner la vue. Nous voyons bien là, les rapports entre la salive, les yeux, les mains et la guérison.
La Pierre
La pierre est un symbole de protection dans toutes les parties du monde. Sa solidité, sa force sécurisent l’homme, elle est liée à l’idée d’immortalité. Le temps ne l’atteint pas. La pierre ne laisse rien passer, pas même l’esprit des morts. C’est pour cela qu’elle ferme les tombeaux. Les pierres dont sont faites les maisons et la maison elle-même ont dans l’Ile un caractère sacré. On porte la pierre autour du cou pour éviter les mauvaises contagions et surtout pour former une barrière contre le mauvais œil.
Parmi les pierres merveilleuses, la Catochite ou pierre de mémoire était connue de Pline. La pierre d’aigle qui rend invisible, se trouve au col d’Ominanda. Pour qu’elle agisse, il faut prononcer la formule « Tamo-Samo » qui ressemble au « sésame ouvre-toi » des mille et une nuits. On portait en voyage, a petra quatrata, magnétite ou pierre d’aimant que l’on trouve près de Canari. Elle a la vertue de rendre infatigable et se porte attachée à la jambe gauche au dessus du genou. Un autre talisman était l’Unghie d’ella grande bestia qu’on allait chercher dans un pays lointain afin de se défendre contre les sorcières.
Le Corail
U Curallu a été découvert en Méditerranée il y a 6.000 ans. Il représente une amulette puissante appartenant au règne animal, végétal et minéral. Il est donc triplement bénéfique. Le fait qu’il pousse dans la mer accroît son pouvoir. L’eau étant le domaine des esprits. Ses branches rappellent les cornes, d’ailleurs en Corse, on porte souvent des cornes en corail. Il a aussi le pouvoir de soigner les hémorragies, sans doute à cause de sa couleur qui rappelle le sang pétrifié.
L’œil de Sainte Lucie
Pour se protéger, on peut accrocher un œil de Sainte – Lucie à son collier. Ce coquillage poli par la mer est en forme d’œil. Sainte-Lucie était connue en tant que protectrice de la vue et des maladies des yeux. Elle est très vénérée en Corse. Le coquillage est une représentation très ancienne de l’œil. Des perles rondes et percées en céramique blanche sur lesquelles sont dessinés des yeux bleus ont été retrouvées dans des anciennes tombes corses. Les yeux bleus, rares, passaient pour avoir un pouvoir néfaste. L’amulette les représentant servait de contre charme.