LE TEMPS D’ALERIA
Le 22 août 1975 restera ancré dans la mémoire collective comme le jour de baptême de la revendication nationaliste.
La veille, le 21, une douzaine de militants de l’Arc, groupuscule emmené par Edmond Simeoni, occupent une cave viticole de la plaine d’Aléria, appartenant à un réfugié pied-noir d’Algérie, Henri Depeille.
Au départ de la revendication il s’agissait de dénoncer, la « colonisation » de l’île, en plein délabrement économique et démographique, et une escroquerie présumée autour des prêts publics alloués au dirigeant de la cave.
Résultat : L’assaut par les forces de l’ordre est donné le lendemain, sur décision du gouvernement de Jacques Chirac : un millier d’hommes face à une poignée de militants armés de fusils de chasse. Deux gendarmes sont tués,un militant blessé .
Comment en est-on arrivé la ? c’est ce que nous tentons de comprendre a partir des témoignages de militants de la première heure, présents lors de l’investissement de la cave….
… A quelques mètres, une grosse maison blanche, au milieu des vignobles de la côte orientale. L’exploitation Depeille, un viticulteur pied-noir, symbole du «mépris colonial» dans lequel «l’Etat français tient la Corse». Edmond Simeoni dira «Aléria n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein». Et d’énumérer les griefs : fraude électorale à grande échelle jamais sanctionnée, langue et culture déniées, infrastructure routière vétuste, politique agricole au détriment des Corses, tourisme de masse et «baléarisation» de l’île…
Deux ans plus tôt, un scandale avait secoué l’île : les boues rouges. Des navires italiens déversent par tonnes les déchets toxiques d’une usine chimique de la côte toscane, la Montedison. Sans que, malgré les protestations répétées de la population, l’Etat ne s’en émeuve. Le 26 février 1973, plusieurs milliers de personnes défilent à Bastia. La sous-préfecture est occupée. Mais toujours aucune réaction, sinon verbale, de l’Etat. Six mois plus tard, un navire de la Montedison est arraisonné et plastiqué par un commando baptisé Fronte paesanu. Il n’y aura plus, dès lors, de déversements. Preuve pour nombre de jeunes Corses que seule l’action radicale est efficace. En 1975, une énorme escroquerie financière est épongée par l’Etat. Les protagonistes ? Des viticulteurs pieds-noirs, qui ont obtenu de vastes domaines grâce à des subventions publiques, au détriment, estiment les autonomistes, des petits agriculteurs corses. D’où l’idée de cette occupation de la cave d’Henri Depeille.
…Le 17 août 1975 à Corte, sous un chapiteau comble, Edmond Simeoni cite « Guevara » : «Un révolutionnaire, ou il gagne, ou il meurt ! L’ARC peut offrir aujourd’hui au peuple corse la liberté et le sang de ses militants.» C’est ce jour que sera décidé l’action qui amènera l’occupation de la cave.
Le matin de la journée du 21 août, ils sont une vingtaine, armés de fusils de chasse. , l’action ne devrait guère durer. Edmond Simeoni voit ainsi les choses : premier jour, occupation, deuxième jour, conférence devant la presse attirée par l’affaire, et, pour finir, un meeting sur place et une réunion entre pouvoirs publics, socioprofessionnels et militants sur la dette agricole. Ce 21 août au soir, chacun s’endort, pas bien persuadé que l’affaire intéressera quiconque.
A suivre…